Shanära Elrywen [Demi-Dieu]

Je suis née de deux parents Elfes. Et pourtant, je dois avoir du sang humain dans ma lignée ! Lyus me l’a déjà fait remarquer… Je me suis observée sous tous les angles, comparée à des gens au sang purement elfique et je me suis vite rendu compte qu’il avait raison. C’est plutôt étrange, d’ailleurs, parce qu’il ne se souvient pas de s’être fait le même genre de réflexion en regardant mes parents…J’ai effectivement les oreilles pointues, comme les autres Elfes mais elles sont beaucoup plus petites. En fait, elles se rapprochent plus de celles des Demi-Elfes : elles sont de la même taille que les humains mais taillées en pointes. Sinon, j’ai un visage normal, légèrement triangulaire, avec tout ce qu’il faut dessus. Un nez, une bouche, des oreilles et des yeux. Un visage ordinaire, quoi ! Il n’a jamais marqué un seul esprit, faute d’être particulièrement repoussant ou au contraire, d’une beauté surnaturelle. Moi je me trouve plutôt jolie. Enfin, ce n’est que mon avis. Et Lyus dit que je vais devenir très belle en grandissant ! C’est vrai que pour le moment, j’ai gardé des airs de gamine… Bref. Ce que je préfère le plus, chez moi, ce sont mes yeux. Tout d’abord, parce qu’ils sont énormes ! Et en plus, ils sont d’une belle couleur : un violet plutôt sombre mais qui brille joliment au soleil. Eux, c’est certain, ils viennent de mon héritage elfique ! Apparemment, je les tiendrais de mon père, Legelith. Toutefois, outre mes oreilles, il me reste quelques différences avec mon peuple…

Mes cheveux. Ils sont l’incarnation de l’absence de couleur. Noir ébène. Je n’ai jamais croisé d’Elfes qui portaient une telle coloration. Ils ont tous une chevelure plus claire, souvent dans des teintes automnales. Peut-être que je ne suis pas la seule dans mon cas, mais avant que j’en ai eu la preuve, je considère ça comme une dissemblance de plus entre moi-même et ma race…Quoi qu’il en soit, mes cheveux attirent l’attention tant par leur épaisseur peu commune que par l’apparence de sauvageonne qu’ils me donnent. Il faut dire que je ne les attache jamais (franchement, je déteste ça) et il suffit d’un coup de vent pour qu’on ait l’impression que je sois en guerre permanente avec mon peigne. Je ne cherche même pas à essayer de faire ce que je veux avec ma coiffure pour deux bonnes et indiscutables raisons. Premièrement, c’est impossible, la bataille est perdue d’avance… Deuxièmement, je me fiche royalement d’être bien coiffée ou non : la preuve, je me les coupe au poignard quand ça devient invivable. C’est vrai… Qui pourrait me donner une définition du mot : cheveux ? C’est des poils qui poussent sur la tête. Pas de quoi en faire une montagne. Je ne me recoiffe vaguement que quand la mèche qui occupe une bonne partie de mon front m’empêche de voir clair. Donc, oui, on dirait que je sors d’une caverne mais si vous êtes assez superficiels pour me juger sur mon apparence, passez votre chemin…

Je suis également plus robuste que les autres Elfes. Pas autant que les humains, je sais que je suis plus svelte qu’eux, mais tout de même ! Je garde, certes, une apparence athlétique typique de ma race mais ma corpulence en a intrigué plus d’un. J’ai souvent l’impression d’être démesurée comparée aux autres filles de ma taille, qui sont plus nettement élancées que moi. Pourtant, je ne suis pas grosse, je suis même plutôt fine et agile. J’ai juste une morphologie différente. Je suis plutôt musclée : j’ai dû apprendre à manier de petites armes très tôt et j’ai toujours ressenti le besoin de me dépenser jusqu’à ce que je tombe de fatigue. Enfin bref, je suis aussi petite pour mon âge. Je suis restée bloquée à 1m45 à mes dix ans... Mais au moins je peux me glisser un peu partout, contrairement aux grands gaillards qui roulent des mécaniques et qui galèrent pour passer les portes. Au final je suis peut-être mieux comme ça. Autre caractéristique de mon apparence : je suis pâle… Extrêmement pâle. On a souvent l’impression que je suis malade mais je suis comme ça ! Je passe ma vie à l’extérieur mais c’est pas pour autant que je perds mon teint blanchâtre, cireux, crayeux, blafard, opalin, ivoirin, euh… éburnéen et tous les synonymes que vous voulez ! Mais ça fait bien ressorti mes yeux et mes cheveux. Quand j’y pense, ce n’est pas plus mal.

Je conclurai cette description en parlant de mon style vestimentaire qui est typiquement elfique. Je m’habille d’une chemise en lin - qui fut autrefois blanche mais qui tirent à présent sur le gris – surmontée par une veste de cuir clair. Je porte également, faute de mieux, un pantalon de tissu marron, discrètement recousu à plusieurs endroits et légèrement trop grand. Je porte par conséquent une ceinture où est accroché ma bourse (j’avoue qu’il n’y a presque rien dedans, juste quelques pièces au cas où je serais séparée de Lyus et viendrait à me retrouver seule) ainsi qu’un fourreau qui repose le long de ma cuisse et qui cache un beau petit poignard elfique. A mes pieds se trouvent des bottes en cuir foncé et usées parce que je les porte depuis deux ans. Eh oui, je ne pouvais pas me servir de l’excuse du : « c’est trop petit, maintenant » puisque je n’ai pas grandi depuis un bon moment. Je n’ai pas beaucoup de vêtement, juste une tenue de rechange dans un sac en cuir, en tous points identique à celle que je porte actuellement. Dans ce sac se trouve aussi un peu de nourriture, de l’eau et divers objets personnels ou des objets nécessaire à la survie. Mais bon, je vais pas vous faire un inventaire de mon sac, non plus !

On aura beau dire, sous mes airs d’enfant se cache une grande maturité. Non, je ne me vante pas, je procède juste à une constatation ! Je veux dire que je n’ai pas le comportement d’une gamine. Les jeux que je considère comme idiots, les blagues enfantines, ce n’est pas pour moi. Je ne possède pas non plus l’insouciance qui est propre aux enfants. Peut-être parce que dans ce monde, l’insouciance est synonyme de mort. Ma maturité n’a rien d’exceptionnel. Strictement rien. Lyus me protège mais il m’arrive souvent d’être livrée à moi-même. Il ne garde pas un œil sur moi 24h/24. Je dois parfois remplir quelques tâches, seule, comme aller chercher du bois, monter la garder pendant qu’il dort, garder le campement lorsqu’il chasse, entre autres… Que se passerait-il, si, durant une de ces « missions » je me laissais distraire par un quelconque animal ou m’émerveillerai, accroupie devant une rivière, du nombre de poissons présent dans l’eau ? Je pourrai me faire égorger sans avoir auparavant remarqué le danger qui approchait. On peut dire que j’ai été amenée à mûrir plus tôt que prévu. Sans le chaos qui règne en ce monde, je serais encore une enfant… Pour survivre j’ai dû apprendre à reconnaître un danger, à ne pas relâcher mon attention, à me débrouiller seule en cas de soucis. Je ne peux pas toujours me reposer sur l’adulte qui m’accompagne. J’ai dû apprendre à réfléchir avant d’agir, à mesurer mes actes, à oublier toute forme de pitié si jamais je me fais agresser… Sans ça, je serais morte depuis longtemps... L’insouciance tue.

Quiconque vous parlera de moi, vous dira que je suis une personne discrète. Je fais partie des gens qui passent à côté de vous sans que vous ne les remarquiez. Je suis celle qui s’assimile au décor, qui se fait rapidement et purement oublier... Je suis celle qui vous fait sursauter en prenant simplement la parole après être restée de longues et longues minutes dans un mutisme profond. Je suis la fille qu’on s’étonne de ne pas avoir remarqué plus tôt. Je suis la fille qui s’en va comme elle est arrivée, qui s’efface, qui quitte la pièce sur un vague salut et un léger sourire. Celle qu’on oublie facilement, en somme. Je garde mes remarques inutiles pour moi, je ne raconte que l’essentiel et je ne passe jamais par quatre chemins. Je suis directe. Franche. Ce n’est pas pour autant que je ne sais pas aborder des sujets délicats avec tact. Ce n’est pas pour autant que je blesse ceux de mon entourage en allant leur dire ce que je pense d’eux à certains moments. Je sais garder le silence quand il le faut et je ne suis pas foncièrement méchante. Toutefois… Il y a des exceptions à mon caractère discret. Il n’est parfois que de passage. Il m’arrive d’être très bavarde, de discuter pendant des heures du moment qu’on parle d’un sujet qui me passionne ou qui m’intrigue. Parfois, parler me fait du bien. J’ai besoin de me délier la langue de temps en temps, c’est normal ! Bref, la plupart du temps, je suis plutôt calme et réfléchie mais, il y a des cas où je ne peux strictement rien contrôler.

La colère. Drôle de sentiment. Un sentiment qui nous fait faire ou dire des choses qu’on risque de regretter plus tard. Un sentiment qui arrive à me dominer assez facilement et qui me fait oublier toute logique, toute réflexion, toute… Indulgence. Et mes limites ne sont jamais très loin en ce qui concerne la colère. C’est le seul sentiment que je n’arrive pas à maîtriser, à enfouir en moi et à cacher. Je n’ai soudainement plus aucune pitié et même si je n’insulte jamais ouvertement les gens qui m’énervent, je suis tout de même très méchante. J’ai honte de moi quand j’y repense, une fois calmée, un peu plus tard. Je me déteste, quand je suis comme cela. Haineuse. Amer. Irréfléchie. Je ne pense pas, je fais ce qu’il me passe par la tête, j’agis sur l’instant et je vois plus tard pour les conséquences…Et encore ! Si cela ne se résumait qu’à cela… Ne pas savoir maîtriser sa colère est une chose. Etre rancunière en est une autre. Oui, je pardonne difficilement. Il me faut quelques semaines pour pouvoir excuser quelqu’un qui m’a mise hors de moi…Autant vous dire que généralement, la personne en question ne recommence jamais et évite de me côtoyer par la suite… Quand j’étais petite, j’avais une drôle de réputation, au village ! Avec le temps, je sens que je commence à me calmer mais il y a encore du boulot… Et puis, il y a mes fichus pouvoirs qui se montrent, lorsque je suis en rogne. Ou que j’ai une peur bleue.

Pendant mes colères, il m’arrive d’utiliser la violence. Je n’en suis pas spécialement fière et je m’en excuse platement. Toutefois, il est vrai que même calme, je suis d’un naturel… Brutal. Mes gestes ne sont pas spécialement doux, mais je ne m’en rends pas toujours compte. Je ne mesure pas toujours ma force non plus. Je vous rassure, ce n’est pas volontaire. Si jamais vous prends la main d’une façon qui vous laisse penser que je suis énervée, ce n’est pas forcément le cas. Cependant, ça m’étonnerai que je vous prenne la main. Parce que je ne suis pas une adepte des marques d’affection. Lyus sait que je l’aime sans pour autant que je lui fasse un câlin à la première occasion. Je suis plutôt réservée de ce côté-là. A par Lyus je n’ai aucune vie sociale. J’ai laissé mes amis du village lorsque nous sommes partis en voyage et il y a peu de chance pour que je les revoie. On m’a toujours dit de me méfier des inconnus et c’est vrai, ça limite les risques. Ça limite aussi toute chance de créer de nouveaux liens avec une personne. Je me demande ce que je vais faire quand je me retrouverai avec Narathiel. Rien ne me garantis qu’on s’entendra bien. Je n’arrive toujours pas à m’y faire. J’essaie de me détacher petit à petit de Lyus, histoire d’éviter des adieux trop déchirants mais j’espère franchement qu’on va continuer à chercher sa sœur pendant quelques années, jusqu’à ce que je sois en mesure de me débrouiller toute seule dans ce monde de brutes.

Même s’il n’y a pas grand-chose à en dire, Lyus me défend habituellement de parler de ma vie à des inconnus. De leur parler tout court, d’ailleurs. Sans doute pour de vagues raisons d’adultes. Telles que cette fameuse phrase : « c’est trop dangereux ». Pour moi, ses explications sont un peu floues. Si je raconte mon histoire à quelqu’un il n’aura pas plus envie de me tuer que si je ne la lui raconte pas. Donc, allons-y.

Il était une fois - je crois que c’est comme ça que c’est censé commencer, une histoire - l’assassinat de ma mère par une chose agitée, braillarde, rose et chauve. Un assassin frêle mais si mignon que tout le monde, y compris lui-même a fini par lui pardonner. Un assassin… Innocent, d’une certaine manière. Moi. Ce n’était franchement pas volontaire - quand on est en train de naître, on ne se rend pas forcément compte qu’on est en train de mettre fin aux jours de celle qui nous a porter pendant neuf mois – et je ne me sens pas coupable. C’est la vie, comme on dit. N’ayant plus de mère, on aurait pu s’attendre à ce que mon père m’élève seul mais… Non. (Ahah, suspense…)

Parce que je suis née dans un monde à feu et à sang.

Si tout s’était bien passé, je serais née dans un village au bord du lac Elrithradien, en Alfakyn. Mais comme tout a dérapé quelques jours avant ma glooorieuse naissance, j’ai vu le jour au village d’à côté. Tout ça à cause d’une bande de Nains qui a délibérément mis le feu aux maisons et tué les gens de mon peuple. Mon père fut compté parmi les victimes. De ce que j’en sais, il s’appelait Legelith. Je ne le connais pas, il ne me manque pas, fin de l’histoire. Je suis tout de même un peu triste, en y pensant. Je me demande sans cesse la raison de ce massacre. Et pas uniquement de celui-ci ! Je sais qu’il y en a plusieurs de ce genre, par jour. Etrangement, je n’en veux pas aux Nains pour autant. Nous, les Elfes, avons toujours été en conflit avec le peuple des montagnes. Dans notre histoire, je suis sûre que nous avons été les auteurs d’actes dont nous ne pouvons pas être fiers. Cette guerre est tout simplement absurde…

Je me demande ce qu’aurait été ma vie avec mon père et ma mère s’ils étaient encore en vie. C’est une question qu’il est tout à fait normal de se poser mais elle n’en reste pas moins inutile. Rien ne changera le passé. Et quand bien même ce serait possible, je ne pourrais pas empêcher ces évènements de se produire et je ne sais même pas si j’en aurais envie. Ma vie actuelle me convient parfaitement. Lorsqu’elle a accouché, Silyä, ma mère était accompagnée par un autre Elfe, Lyus. C’est lui qui s’est occupé –et qui s’occupe toujours – de moi. Peut-être qu’il a essayé de me faire adopter par une autre famille elfique mais qu’il a essuyé refus sur refus. A vrai dire, c’est normal : dans un monde pareil, on ne se charge pas d’une bouche à nourrir en plus de son plein gré. Quoi qu’il en soit, il cherche à se débarrasser de moi. J’ai toujours senti que j’étais un poids pour lui. Ses responsabilités envers moi l’empêchent de faire ce qu’il veut, quand il le veut. Il veut me refiler à sa sœur, Narathiel. Je lui en veux un peu. Sans doute parce que je l’aime bien. Que je l'aime beaucoup, en fait. Je sais que j’aurais du mal à me passer de lui, mais je n’ai pas le choix. Et puis, il a bien le droit de vivre sa vie.

Malgré sa décision de demander à cette Narathiel – d’après ce que j’ai compris, c’est pas une marrante – de me prendre en charge, je ne peux que lui être redevable. Il s’est occupé de moi alors que rien n’aurait pu l’empêcher de me tuer ou de m’abandonner. C’aurait été plus simple pour lui. Malgré ça, il a endossé le rôle du père. Il n’a pas dû rigoler tous les jours, avec moi ! A vrai dire je le vois mal en train d’essayer de me faire manger de la purée ou de me changer les couches ! C’est plutôt drôle à imaginer. Il est allé jusqu’à mettre de côté sa vie de nomade jusqu’à ce que je sois assez grande pour l’accompagner dans ses voyages. Il m’a appris à me battre et lorsqu’il a estimé que je savais suffisamment me servir d’un couteau ou d’un poignard, vers mes neuf ans, on a quitté le petit village où j’avais toujours vécu, à la recherche de Narathiel.

J’ai alors découvert que le monde est immense. C’est bien simple : Lyus n’a aucune idée de l’endroit où se trouve sa sœur ! Ça fait trois ans qu’on la cherche… Mais je ne suis pas pressée. Je redoute même un peu ce jour. Je crois que Lyus le sens et qu’il en est un peu désolé mais s’il ne veut pas être obligé de s’occuper d’une gamine pendant encore quelques années, il n’a pas le choix. Il m’a déjà consacré plus de temps qu’il est possible d’en exiger. En trois ans, on a failli mourir plusieurs fois. Je me souviens encore d’un moment où j’ai vraiment cru que tout était perdu lorsque Lyus m’a vraiment montré ce dont il était capable. Sur le coup il m’a impressionné ! J’aimerai bien devenir aussi forte que lui et pour ça, il me fait travailler régulièrement. Contre un combattant de niveau moyen, j’ai des chances de m’en sortir sans aide… Je ne garantis pas dans quel état mais il me dit que c’est faisable.

Toutefois, en dernier recours, je peux essayer de me servir de ma magie. Je ne sais pas d’où elle me vient. Je n’en ai vraiment aucune idée. C’est comme une sorte de puissance qui se cache en moi et qui surgit dès que je perds le contrôle de mes émotions. Je n’arrive pas à la maîtriser correctement. J’ai découvert mon potentiel magique un jour où la colère a réussi à me dominer et où j’ai foutu le feu à quelques arbres d’une taille considérable… Je crois bien que Lyus a failli faire une attaque. Je me suis effondrée sur le sol, vidée de toute mon énergie mais il ne m’a pas aidé à me relever. Il m’a regardé sans rien dire pendant une dizaine de minutes. Je lui ai peut-être fait un peu peur. Je n’avais que huit ans à l’époque. J’avais toujours senti cette force en moi mais ce jour-là, je n’ai pas réussi à la retenir et je me suis rendue compte à quel point elle pouvait-être dangereuse. Et aussi extrêmement utile. Après ça, je me suis forcée de contrôler cette magie mais je n’ai enchaîné que catastrophe sur catastrophe. J’ai arrêté mes essais lorsque j’ai failli tuer Lyus. Aujourd’hui, cette puissance ne fait son apparition que lorsque mes émotions sont trop fortes. Je me demande comment ça va évoluer. Advienne que pourra…